(((The Sound of Horseshoe Bats)))
Sculpture pérenne d’art sonore installée à La Saline d’Arc-et-Senans (inauguration du parcours 1er juin 2025)
Dans le cadre de la mission de maîtrise d’œuvre confiée à Fanny Cassani (Paysagiste-concepteur), en collaboration avec la LPO et le Bureau d’étude en environnement, la Saline royale d’Arc et Senans a désiré « mettre en lumière » l’importante colonie de Chiroptères (Grands Rhinolophes) présente sur le site. L’intégration d’un dispositif sculptural sonore ” Le Rhinolophone” au projet d’aménagement paysager imaginé à l’origine par Gilles Clément (Le jardin en mouvement) est installé dans La Grainothèque voyageuse, au sein d’une exploration des jardins de La Saline, côté nature.
Habituellement créateur d’œuvres entomologiques in situ consacrées spécifiquement aux insectes, je propose ici la création d’une sculpture écosystémique et multisensorielle évoquant les interrelations entre les insectes, la Chauve-souris Grand Rhinolophe, abordant le phénomène d’écholocation, ainsi que les interactions avec l’humain.
La forme…
En écho à l’architecture de la Saline, le dispositif sculptural sonore est dessiné de lignes courbes et de rigueurs géométriques guidées par la rationalité de l’objet : caractéristiques des matériaux, contraintes acoustiques, pérennité, esthétique évocatrice, collaboration avec le vivant, poétique et technique.
La situation…
L’œuvre est installée en regard de l’importante colonie de Grands Rhinolophes résidente sous le porche de La Saline.
Le Grand Rhinolophe
Pour en savoir plus, vous pouvez visionner le film documentaire :
Une vie de Grand Rhinolophe de Tanguy Stoecklé https://www.youtube.com/watch?v=tNpSfanm1io
… Et la matière
L’œuvre est réalisé de plusieurs pièces de bois répondant chacune à des exigences particulières,
Les assemblages font appel à certaines techniques d’ébénisterie et de charpente.
Les essences de bois de Cèdre et de Cyprès structurent la colonne vertébrale de l’œuvre habitée par les insectes. Le Cyprès et le Chêne sont les essences dont la densité de la fibre permet la résonnance des instruments à lames de bois frottés. Le Châtaignier et le Chêne permettent la conduction de l’onde sonore dans la cabine d’écoute et la réalisation de petites pièces d’ébénisterie (papillons anti fentes, chevilles). Le Châtaignier intervient également dans la conception du faîtage alaire couronnant l’œuvre. Toutes les essences de bois sont de provenance française et garantis FSC.
Pour plus de durabilité aux intempéries, chaque pièce de bois est traitée avec un mélange d’huiles végétales (huile de Lin, huile de Noix) et d’un pigment anti-UV retardant le grisement. L’œuvre est solidement ancrée dans le sol par des systèmes de fixations métalliques sans scellement permettant ainsi un impact minime sur le sol.
Colonne vertébrale de l’œuvre / Sculpture entomologe
Réalisée en bois massif de Cèdre et de Cyprès du Vaucluse, d’une épaisseur de 15cm, cette verticale trapézoïdale s’animent d’un dessin géométrique de plusieurs centaines de trous de différents diamètres, réalisés à la perceuse de façon manuelle les uns après les autres, l’accueil des Hyménoptères nécessite une relative propreté de réalisation au risque de les blesser avec les échardes laissées par un mauvais perçage. Le diamètre des trous s’échelonne de 2mm à 16mm. Les trous sont percés sur une profondeur de 5cm à 12cm selon les diamètres, couvrant ainsi les besoins en nidification du maximum d’espèces d’Abeilles solitaires.
Les trous pratiqués permettent l’accueil de nidifications de multiples espèces d’Abeilles solitaires xylicoles, à nids libres ou opportunistes ( Mégachilles, Heriades, Anthidies, etc…) et de quelques autres espèces d’Hyménoptères. Au fond de chaque trou une femelle accumule une réserve de nourriture (nectar plus pollen pour la plupart, à signaler que certaines solitaires fabriquent également du miel) sur laquelle elle pond un œuf qu’elle protège en tapissant les parois de sécrétion de cire, de résine, ou encore de feuilles ou de pétales de fleurs pour certaines Mégachiles ; puis elle obture cette « cellule » (équivalent de l’alvéole chez l’Abeille sociale) de boue pour certaines espèces, pour d’autres d’un broyat végétal, de résine de conifères, ou d’un coton tissé de poils végétaux, … Les Abeilles solitaires passent l’hiver le plus souvent en diapause à l’état larvaire, parfois à l’état adulte, dans la cellule du nid. La profondeur du trou peut offrir à chaque femelle une potentialité de pondre 30 à 40 œufs en moyenne dans sa durée de vie saisonnière.
En les occupants et grâce à leurs techniques de construction, ces Abeilles vont constamment transformer le dessin géométrique proposé. La « Bourgade » d’abeilles solitaires ainsi réunies offre l’observation potentielle d’une population de nombreux individus (30 par trous en moyenne) composée de différentes espèces et de leurs parasites (Chrysides, Térébrants, etc…).
Les trous ne sont pas traversants, chaque trou possède donc un fond. Le dessin de trous ne débute qu’à deux centimètres des bords, assurant ainsi une isolation thermique suffisante pour les œufs et larves d’Abeilles. De nombreuses fentes circulaires, verticales, horizontales, fines, naturelles ou épaisses, des papillons anti-fentes, de petites pièces d’ébénisterie complètent le dessin pour accueillir d’autres insectes ou renforcer la solidité de l’ouvrage.
Cabine d’écoute
La prérogative principale du projet est d’offrir au public l’opportunité d’entendre la façon dont les individus composants la colonie de Chiroptères/Grands Rhinolophes présentes à la Saline, émettent des sons pour se repérer dans l’espace et localiser les éléments de leur environnement, tels que les obstacles, les prédateurs et les proies : leurs cris d’écholocation ou écholocalisation, voire leurs cris sociaux.
Celle-ci est rendue possible par l’intégration d’un astucieux dispositif occupant la place d’honneur de l’installation, une cabine d’écoute.
Caisse de résonnance aux subtiles formes, réalisée en bois de Chêne et Châtaignier, elle permet à l’auditeur en station debout de placer sa tête à l’intérieur. Confortablement installé grâce aux ouvertures latérales laissant ses épaules libres de mouvements, il peut, en appuyant sur un bouton, débuter la lecture de fichiers audio (Sons des Grands Rhinolophes) et entamer une écoute individualisée qui occupe tout l’espace grâce à une diffusion vibrant dans les six parois de la cabine.
Cette diffusion est rendue possible au moyen de l’installation d’un lecteur audio amplifié Nanoplayer Box dissimulé et d’une paire d’enceintes vibrantes à large bande placée à hauteur d’oreille. L’installation requiert une alimentation électrique 16A aux normes en vigueur.
Instruments à lames de bois frottées / Interactivité
Les instruments sont placés de part et d’autre de la « colonne vertébrale » à hauteur de mains, l’auditeur en station debout, a ainsi la possibilité de produire lui-même des sons en frottant ou caressant ces objets à lames de bois frottées, leurs formes courbes épousent le prolongement des bras, la manipulation en est de ce fait facilité. Il interagit de cette façon directement avec l’environnement sonore dans lequel ses oreilles sont plongées (les sons de Grands Rhinolophes diffusés dans la cabine). Ces instruments à lames de bois frottées agissent par contact du bois qui transmet acoustiquement l’onde sonore produite jusqu’aux parois de la cabine, cette production sonore se mêle aux sons diffusés, l’auditeur par son geste se trouve en interaction avec son environnement sonore individualisé et joue avec les cris d’écholocation qu’il entend, jusqu’à peut être s’y confondre.
Les instruments sont conçus en bois massif de Chêne, des lames y sont découpées dans la masse, le volume et la longueur en déterminent la hauteur du son.
Faîtage alaire
Un faîtage composé de carrelets de bois de Châtaignier, dont certains sont percés en leur extrémité pour permettre l’habitat d’espèces d’Abeilles solitaires, adopte un mouvement figé. Ce motif alaire participe à l’évocation du vol de la chauve-souris qui utilise le mouvement de l’air pour se déplacer et suivre ses proies qui ont leur propre vol d’onde.
Une sculpture d’art sonore / Un dispositif écosystémique et multisensoriel.
La vue
Tout d’abord il s’agit d’interpeller visuellement le public par son esthétique, lui donner envie de s’approcher, pour éventuellement glisser sa tête dans le dispositif, n’évoque-t-il pas également une quelconque cabine d’écoute ? Il peut également y observer la présence d’insectes, notamment des Abeilles solitaires.
L’odorat
Le public peut humer les différentes odeurs qui se dégagent de la sculpture composée de plusieurs essences.
L’ouïe
Il peut entendre le son des Grands Rhinolophes et les sons de sa propre production.
Le toucher
Pour sa production sonore il frotte et caresse le bois des instruments à lames.
Le goût
Son interaction avec la sculpture ne lui redonnerait-il pas le goût d’observer, d’approcher, d’appréhenderles écosystèmes, pour qu’il perçoive différemment sa participation à l’édifice du vivant.
Le Rhinolophone est une œuvre pérenne d’art graphique et sonore qui offre l’observation d’une interaction entre une œuvre artistique et son milieu, une création offrant la perspective d’un dialogue constructif entre Homme et Nature. Elle propose au spectateur d’observer par lui-même l’évolution de l’œuvre, le dessin de trous et de fentes est constamment modifié au gré des saisons, une œuvre en mouvement.
Voir également : https://www.salineroyale.com/
